Durant mes treize années, il est un combat j'ai presque tendance à oublier, car il est transversal et touche tous les domaines, c'est celui de la laïcité. Il est au centre du débat quand on parle du droit des femmes. Il est au centre du débat quand on parle de recherche et de bioéthique. Il est au centre du débat quand on parle des printemps arabes, de la guerre en Syrie. Il est au centre du débat lorsqu'on parle de racisme et de la xénophobie. Il est au centre du débat dès qu'on parle de liberté. Et si dans notre pays, on ne sent pas toujours l'urgence de défendre cette laïcité, dès qu'on regarde au-delà de nos frontières, les faits parlent d'eux-mêmes: la laïcité est en danger.

 

L'idée par exemple d'éviter les conflits en cloisonnant et partitionnant les communautés confessionnelles, sorte de solution à la libanaise, qui cadenasse chacun chez soi et définit les pouvoirs politiques sur base confessionnelle, se répand de plus en plus.

Elle a été appliquée à la Bosnie, lors des accords de Dayton, elle émerge dans les scenarii des think tanks américains qui réfléchissent à l'après guerre de Syrie, elle flotte dans tout le conflit israélo palestinien. On retrouve la même obsession de cloisonnement, de partition, d'étanchéité entre les ethnies, les communautés, les nations, dans tous les mouvements extrémistes et nationalistes qui montent en puissance aujourd'hui. L'idéologie de la NVA en est imprégnée. Un vieux relent de frontière, de non mixité, de «pureté du sang ou de la race», assez nauséabond revient au goût du jour.

Pourtant, tous les arts ont compris la puissance créatrice des hybridations- regardez l'influence de l'art africain sur Picasso ou Braque, celui de la musique noire sur le jazz. La génétique reconnaît les risques de dégénérescence des unions endogames: il faut croiser les espèces pour les renforcer. La théorie de l'information prédit que tout système fermé évolue vers le désordre: cela vaut aussi pour tout système social. Mais là, le désordre c'est la guerre. Ce que les arts, la science, l'amour (qui se fout de la politique) ont si bien compris, devrait être un antidote au poison que distillent les partis extrémistes. Défendre aujourd'hui la laïcité, c'est défendre exactement le mouvement inverse: celui qui va vers l'autre, qui s'enrichit des différences, qui croise, qui compare, qui emprunte, qui découvre et qui va de l'avant.