NARCISSISME : NOUVEAU CANCER SOCIETAL MONDIAL

 

 

L’article résume pourquoi et comment le narcissisme s’est immiscé dans de nombreux pans de nos démocraties, les menaçant gravement. Même la franc-maçonnerie est concernée.  La parade est de défendre la vérité avec intransigeance.

Le narcissisme est connu depuis la haute Antiquité : fils de nymphe, et tombé amoureux de son image, Narcisse commit la faute de mépris envers la nymphe Écho, et fut puni par la déesse Némésis. Bien plus tard, les psychologues reconnurent qu’une certaine dose d’estime de soi est nécessaire pour un accomplissement serein et harmonieux de la personne. La nécessaire « dignité envers moi-même » figure d’ailleurs dans certains textes maçonniques. Oui mais, dans notre monde post-vérité, beaucoup de choses semblent avoir déraillé. En marge des accusations de harcèlement moral ou sexuel on entend souvent les victimes traiter leur bourreau de « pervers narcissique ».

Le catalogue des troubles mentaux DSM5 le liste , les deux mots étant importants. En résumé, un pervers narcissique est un narcissique, il a donc besoin d’un public, et un pervers, il a donc besoin d’une proie. Capables d’infliger de très fortes souffrances à leur victime, ils sont devenus des vedettes des faits divers. Ils possèdent la faculté étonnante d’avoir comme troqué l’empathie contre une compréhension fine de l’état d’âme des victimes, permettant de les manipuler à loisir. Ils représentent un petit pourcentage de la population générale.

Mais l’objet de ce billet concerne les narcissiques tout court.

Nous désignons donc ceux qui possèdent les traits de caractère concernés. Exemple : se penser meilleur que les autres, en déduire avoir le droit de déroger aux règles applicables à tous, etc.  La frange d’intérêt sont ceux qui ont ces traits un peu plus marqués que la moyenne. Cela peut être léger, mais cela peut aussi aller jusqu’à la caricature genre Donald Trump.

Deux types principaux nous occupent : le narcissique grandiose, citons Trump, Bolsonaro, etc …et le narcissique vulnérable, citons ici François Hollande. Ce second type a comme le précédent une haute estime de soi, toutefois avec quelques doutes qui le rendront moins tonitruant, mais paranoïaque et instable.

En quoi est-ce un problème actuel ?

Notre environnement numérique a favorisé la mise en avant de ce qui est le plus séduisant, le plus émotionnel, et ce qui a la plus grande cote ailleurs . Cela se croise avec le fait que l’humanité, comme tous les mammifères en fait, est une espèce à sélection sexuelle . Ceci fait qu’on a la compétition pour la reproduction dans les gènes, et présente automatiquement dans nos esprits en permanence. Un nouveau moyen de communication, comme internet puis les réseaux sociaux, est immédiatement utilisé pour se démarquer des concurrents. Savoir souligner ses petits avantages c’est déjà du narcissisme compétitif. Nous sommes tous des petits Trumps. Le confort dans lequel la technologie moderne nous a fait baigner, et surtout le temps libre et la profusion de choix possibles que la mécanisation et la robotisation nous a procurés, nous a incités à exacerber notre individualisme.

La démocratie ne marche plus à la conviction mais à la séduction. La séduction et le charisme sont à base de techniques de marketing et leur part d’authenticité est en chute. Les algorithmes repèrent et profitent de nos désirs intimes, dont le biais de confirmation : le plaisir de s’imaginer avoir raison écrase largement notre vieux reste d’amour de la vérité. Même ceux qui dominent par la violence, comme Poutine, emballent leurs actes inqualifiables dans un semblant d’argumentaire :  paraître (logique), toujours paraître… Bref, les causes de la montée du narcissisme sont bien là.

Quid des conséquences ?

Un lanceur d’alerte tel Bruno Lemaitre les avait esquissées dès 2019 dans son « les dimensions de l’égo ». Marie-France Hirigoyen nous en dresse un état des lieux actuel dans son «  les Narcisse ». Sans vouloir accorder trop d’importance aux Narcisse en politique, notons que leur effet semble délétère tant dans les régimes totalitaires (Chine, Corée du Nord, pays islamistes, Russie,…) que dans les démocraties. Mais le narcissisme frappe aussi dans le monde de l’entreprise. Dans notre monde noyé d’informations, celui qui réussit à se faire remarquer augmente considérablement ses chances de promotion .

Or nos Narcisse ont cette facilité d’adaptation qui leur permet de capter l’attention des décideurs ou célébrités qui serviront de marchepied vers la réussite. Le monde artistique est bien sûr sensible au blingbling, son événementiel, sa jet-set, son buzz. Ce dernier mot est partagé avec le monde journalistique. Ce métier était déjà tiraillé entre la déontologie qui prescrit de vérifier l’information par recoupement et le goût du public pour le scoop qui oblige à tout miser sur la vitesse avec les risques que cela comporte. Il s’y est rajouté que désormais le smartphone de monsieur tout-le-monde et sa prise de photos ou vidéos est une concurrence mortelle . Là aussi la victime est la vérité.

Appelons un chat un chat : il s’agit ici tout simplement de mensonges.

Lorsque Volkswagen utilisait un logiciel qui détectait la phase de test du véhicule afin d’appliquer un régime moteur moins polluant, il s’agissait de tromper la norme. Conséquence : chute dans la confiance que les gens ont dans la parole des entrepreneurs. Si ces entrepreneurs sont patrons d’un grand pan de la presse, comment ne pas devenir suspicieux vis-à-vis des éditos, tous des plaidoyers pro domo ? Bref, le temps où les partis politiques mentaient est supplanté par le nôtre, où on peut douter de la parole des politiques + des entrepreneurs + des journalistes. 

Que nous reste-t-il ? Ah oui la science. Mouais. Elle est utilisée comme argument lorsque par exemple les pro et les anti-nucléaires débattent, mais la science est, elle, intrinsèquement exacte, non ? Bof, déjà, on sait que rassembler les mesures et corrélations peut induire pas mal d’erreurs involontaires. Mais, de plus, Narcisse pointe encore son museau. Le chercheur pur et innocent doit convaincre pour obtenir son budget de recherche. Pour cela il doit être connu, pour être connu il doit publier, pour publier il doit créer un buzz dès ses premiers résultats… Narcisse sait faire, et Narcisse se retrouve directeur de la recherche, celui qui captive l’attention des journalistes… Pas mal de demi-vérités peuvent passer le filtre des peer-reviews des revues scientifiques à comité de relecture. Je ne parle même pas des cas limites de conflits d’intérêt. Quelques couacs plus loin, la confiance en la science a pris elle aussi des coups.

« La confiance est une cartouche qui ne sert qu’une fois ».

Etes-vous étonnés dès lors du succès des thèses complotistes ? Et du discours simpliste mais rassurant des populistes ? Le narcissisme ambiant menace gravement nos démocraties.

Et en franc-maçonnerie ?

Notre F. Pierre Audureau avait analysé la chose dans son remarquable et toujours actuel «  une franc-maçonnerie dévoyée par l’ego ». Son phare d’investigation éclairait fort cette « cordonnite », amour des titres ronflants. On les doit au départ au chevalier Ramsay, grâce auquel les nobles pouvaient se retrouver “un peu plus égaux” que les francs-maçons se contentant des 3 grades de base. Jusque-là, rien de bien méchant, on peut le voir à l’honneur de ces maçons de vouloir creuser plus avant les leçons des mythes et légendes. Sauf que certaines juridictions en déduisent être autorisées à influencer les loges bleues, et en particulier exercer une surveillance des présidents de loges, qui devient normative, en contradiction avec l’officielle souveraineté de chaque loge.

J’oserais y rajouter aussi qu’il existe des pratiques, telles que la nomination comme « passé maître » ou similaire, qui font que des ex présidents de loges gardent à vie un statut à part, bref c’est une création de privilèges, une pratique tueuse de l’égalité et de son acceptation « dans les tripes ». Le prétexte souvent avancé pour justifier ces pratiques est qu’il s’agit de conserver et reconnaître l’expérience acquise comme Président de loge. Cet argument me semble faible !

Conclusion : luttons contre tous ces dangereux effets du Narcissisme. Commençons par arrêter aussi de faire des enfants-rois, qui deviendront nos tyrans demain ! Et redevenons intransigeants en disqualifiant tous les menteurs.


Par
Patrick Van Denhove

21 Mai 2024

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